En tant que nouvelle modalité de formation reconnue sur le plan juridique, l’Action de Formation En Situation de Travail (AFEST) est désormais éligible aux financements publics et mutualisés. Comme toute action de formation qui vise le développement des compétences, l’AFEST est un investissement qui mobilise des ressources humaines et des ressources financières.
Cet article se propose d’identifier le coût d’un modèle type d’AFEST déployé en entreprise, sur la base du récit d’une méthode AFEST menée à la «Plantation», une «boutique hôtel» dirigée par Magali. Quels sont les postes de dépenses de l’AFEST ? Quel est l’intérêt économique qui justifierait un tel investissement ? Quelles sont les solutions de financement ? Voici des éléments de réponses dans ce troisième et dernier acte, en quatre parties.
1/ Modèle type d’un parcours AFEST déployé à la «Plantation»
Magali dirige la «Plantation», une «boutique hôtel» dans une charmante station balnéaire. Pour que ses prestations assurent pleinement la satisfaction de sa clientèle, Magali s’appuie sur une équipe de sept salariés. Elle a compris que la fidélisation et la montée en compétences de ses collaborateurs sont des facteurs essentiels de la qualité de service qu’elle entend garantir à sa clientèle.
De la réservation d’une chambre en ligne (par téléphone ou internet) aux diverses attentes exprimées par sa clientèle tout au long de son séjour, les situations où les compétences du personnel de la réception sont mobilisées, s’avèrent nombreuses.
Justement, la haute saison est aux portes de l’hôtel ! Maëlle, dynamique et enjouée, est une collaboratrice polyvalente qui s’est déclarée volontaire pour développer ses compétences et renforcer l’équipe de jour de la réception. Le départ prochain de Daniel à la retraite est l’occasion d’organiser une passation réussie, sans perturber l’équipe en place, tout en capitalisant sur sa riche expérience.
L’AFEST est une modalité de formation à la fois nouvelle et, en même temps, proche de ce que Magali a toujours pratiqué pour développer les compétences de son équipe. Néanmoins, entre «formation sur le tas» et AFEST, la frontière est tracée par un cadre réglementaire qui conditionne la reconnaissance juridique de cette nouvelle modalité. Magali décide donc de s’appuyer sur l’expertise de Lionel, un consultant de proximité qui pourra la guider, tant sur la méthode, que sur l’ingénierie de formation. Cela inclut également la traçabilité nécessaire pour prétendre à un financement, en toute ou partie, par son opérateur de compétences (OPCO). Magali, la dirigeante, comme «référente AFEST», Maëlle la salariée comme «futur apprenante», Daniel en tant que «formateur interne», professionnel aguerri, et enfin, Lionel comme «consultant» tiers aidant, les quatre acteurs de cet «écosystème- compétence», propre à la «plantation», sont clairement identifiés.
2/ Évaluation des coûts en 3 étapes
Parmi les ingrédients composant le déploiement de l’AFEST, on retiendra, dans le cas des besoins en compétences exprimés par Magali, la chef d’entreprise, trois étapes :
1.1 Réunions préparatoires : Magali, Maëlle, Daniel et Lionel
Magali, dirigeante engagée dans cette modalité de formation, va fixer le cap de la saison à venir et rappeler les compétences attendues, notamment pour Maëlle, qu’elle considère essentielles pour garantir la satisfaction de la clientèle. Tout le monde disposera du même niveau d’information, les temps de mise en situation seront aménagés selon un planning défini, les erreurs éventuelles d’apprentissage seront prises en compte… tels sont quelques-uns des messages qu’elle fera passer. Elle rappellera aussi aux autres salariés que Maëlle sera bien en formation sur ces temps banalisés, avec ou sans la présence continue de Daniel, son formateur interne.
Coûts : temps passé pour Magali, Maëlle et Daniel. Coûts : prestation pour Lionel
1.2 Ingénierie des compétences : Daniel et Lionel
1.2.1 Diagnostic : observation des pratiques professionnelles.
Lionel n’est pas nécessairement un spécialiste des métiers de l’hôtellerie. Il a donc besoin d’observer pour comprendre, identifier et formaliser les liens entre situations de travail et compétences à développer.
Coût : prestation pour Lionel
1.2.2 Analyse de la situation de travail : conception du parcours AFEST
Au regard de l’objectif professionnel et des compétences visées, Lionel et Daniel vont analyser, identifier les situations de travail, et leur variabilité, et les aménagements requis dans le cadre de l’AFEST. Il établira une liste de tâches à réaliser avec des indicateurs de performances. Enfin, Lionel identifiera, avec Daniel, les éléments de preuve susceptibles d’attester de la réalité de l’action de formation.
Coûts : temps passé pour Daniel et la prestation de Lionel
1.2.3 Planification de l’AFEST
Il s’agira d’abord de planifier (selon l’affluence de la clientèle, le niveau d’activité) et d’évaluer (le temps consacré) les différentes séquences de mises en situation ainsi que celles qui seront consacrées aux séquences réflexives. Maëlle se verra présenter le planning de son AFEST et pourra négocier certains éléments de son Protocole Individuel de Formation. Un positionnement sera fait au démarrage du parcours avec une première implication du salarié concerné.
Coûts : temps passé pour Daniel et Maëlle, et la prestation de Lionel
L’analyse des situations de travail, les séquences réflexives et le droit à l’erreur constituent les trois dimensions qui distinguent clairement l’AFEST des «formations sur le tas» auxquelles elle est trop souvent associée.
2.1 Réalisation des activités par l’apprenant
Nous nous situons dans un des éléments centraux de l’AFEST : l’activité productrice des compétences, en situation de travail sur un poste aménagé à dessein. Cette activité est réalisée sous l’observation bienveillante et à visée pédagogique ici par le formateur interne, assurant le rôle d’accompagnant, avec l’appui ponctuel de Magali comme référente AFEST. Dans l’exercice de ses activités en situation, Maêlle bénéfice aussi de l’appui de ses pairs.
Coût : temps passé en observation par Daniel, comme formateur interne (accompagnant) / temps passé par Magali (référente AFEST) et temps passé en mise en situation par Maëlle, la salariée apprenante.
2.2 Conduite des entretiens réflexifs
Les entretiens avec Maëlle sont menés par Daniel, le formateur interne. Il a été préalablement briefé par Lionel sur l’approche réflexive où l’expression de l’apprenant sur ses activités d’apprentissage est un point clé du parcours AFEST. L’apprenant lui livre sa restitution de sa progression (approche empruntée, techniques et outils, doutes et niveaux d’aisance, difficultés…) pour atteindre l’objectif professionnel préalablement déterminé.
Coût : temps passés en entretien(s) par Daniel et Maëlle auquel s'ajoute la prestation de Lionel pour briefer Daniel
Cette étape peut être réalisée, tout au long de la montée en compétences, ou en bilan de l’AFEST. On évaluera alors l’atteinte de l’objectif professionnel et le niveau de maîtrise des compétences visées au regard du positionnement initial. En fonction du bilan établi, il pourra être décidé une suite avec la même modalité de formation ou une autre (présentiel ou à distance), voir des séquences formatives complémentaires. Dans une AFEST, le traditionnel «programme» est remplacé par une série d’activité ajustables.
Avec l’appui du consultant (Lionel), un processus et des outils seront mobilisés pour permettre l’évaluation formative. Ces ressources, préexistantes ou non, sont de différentes natures : fiche, diaporama, vidéo en ligne, etc… Le consultant sera le garant du processus de montée en compétences. Ce processus s’intégrera dans le cadre de ce qui devra rester une action de formation, et non une démarche d’évaluation des compétences organisée en dehors du cadre pédagogique.
Coût : temps passé par Daniel et Maëlle, et la prestation de mise à disposition de processus et d’outils par Lionel.
Une réunion tripartite permet de tracer la réalité du bilan et des suites à donner visant la montée en compétences de Maëlle. Elle conclura le parcours de formation en situation de travail de Mael, avec la remise d’un «Certificat de réalisation» nouvelle forme d’attestation de formation pour les actions de formation multimodale, dont font partie les parcours AFEST.
3/ Les solutions de financement par les OPCO
En France depuis décembre 2018, l’AFEST étant reconnue comme une modalité de formation, elle devient éligible à une prise en charge financière de l’OPCO. Techniquement, toute entreprise, quelle que soit son effectif, ayant acquitté sa contribution unique de formation, peut bénéficier de cette solution de financement. Les conditions de prise en charge varient en fonction de l’effectif de l’entreprise et de son obligation conventionnelle. Il faudra également tenir compte de la politique de branche, de l’intérêt qu’elle porte pour le sujet et des moyens que le conseil d’administration de l’OPCO pourra concéder au regard de ce qui, dans les textes, relève des nouvelles missions de conseil et de financement des OPCO.
3.1 Les entreprises de moins de 50 salariés
Parce que la formation y est moins développée, les entreprises de moins de 50 salariés sont classées comme prioritaires. La loi du 5 septembre 2018 souligne cette particularité en y consacrant une des affectations de la contribution unique. Celles qui comptent moins de 11 salariés, disposent en principe d’un «budget formation». Il correspond à une enveloppe forfaitaire, en général supérieure au montant de leur contribution unique grâce au jeu de la mutualisation. Ce budget participe à financer toutes modalités de formation.
3.2 Les entreprises de 50 salariés et plus
Le versement volontaire à l’OPCO constitue la clé pour les entreprises de 50 salariés, et plus, qui souhaitent bénéficier d’un appui technique et juridique visant la reconnaissance de leur AFEST. Le cas échéant, en fonction d’une politique plus ou moins volontariste de leur OPCO, un appui conseil à un tarif négocié leur est accessible.
4/ L’intérêt économique sans financement d’OPCO
4.1 Une rapide montée en compétences
L’AFEST présente un intérêt économique majeur pour les entreprises lorsque leur «particularité métier» a toujours justifié de privilégier la «Professionnalisation en Situation de Travail» (PST). Lors de la 9ème rencontre thématique EPALE Agence Erasmus + France Education et Formation «Apprendre et se former en situation de travail » du 6 mai 2019, Frédérique Gérard, d’Entreprise et Personnel, nous a livré un témoignage illustrant parfaitement cette situation au sein de l’entreprise Enedis pour qui la PST, ou AFEST, présente un intérêt majeur pour une montée en compétences rapide et opérationnelle. C’est d’autant plus intéressant sur le plan économique lorsque l’offre de formation ne peut répondre à des besoins métiers spécifiques.
4.2 Une alternative à la contrainte budgétaire
Pour les entreprises dont le budget formation est contraint, ou celles (encore trop nombreuses) qui sont confrontées à un absentéisme récurrent en formation pour «raison de services», l’AFEST permet, notamment à celles de 50 salariés et plus, de remplir leur obligation de former sans détacher trop longtemps et trop loin (la distance géographique peut constituer un frein au départ en formation) leurs collaborateurs de leur poste de travail. Si les salariés ne partent pas en formation ; avec l’AFEST, on pourrait dire que la formation se localise sur le poste de travail. Dans la dynamique l’AFEST, le travail vient en appui de la formation.
4.3 Une réponse à l’obligation sociale de former
En remplissant cette obligation, parallèlement à la tenue des entretiens professionnels tous les deux ans, l’entreprise échappe à l’abondement correctif, fixé par décret, de l’ordre de 3 000 euros par salarié à temps plein et 3 900 euros par salarié à temps partiel : https://qualif.fr/shownews/58