...ou la double maitrise des concepts et pratiques d’individualisation & de personnalisation des apprentissages : le contexte & des pistes
Tenant compte de l’expérimentation[1], menée entre 2015 et 2018 et co-pilotée par la DGEFP et l’ANACT, le décret N°2018-1341, daté de décembre 2018, fixe le cadre réglementaire de la nouvelle modalité pour se former. Cette modalité vient enrichir le spectre des actions de formation dite multimodale (FOAD), favorisant ainsi l’innovation pédagogique[2] attendue par la loi de septembre 2018 ; l’Action de Formation en Situation de Travail ou AFEST. Complémentairement aux conditions de mise en oeuvre des actions de Formations réalisées tout Ou en partie A Distance (FOAD)[3], ce décret pose les règles d’organisation, à la fois relativement souple et exigeant, de la mise en œuvre et la conduite des AFEST. Depuis décembre 2018, de nombreux articles[4], web-conférences[5] ou vidéos[6] ont apporté des éclairages pour faciliter la montée en puissance de cette modalité inédite pour se former en vue de développer les compétences, soit des salariés en entreprises, soit des alternant en formation, dans les deux cas, avec l’appui des OPCO.
Ce décret précise la nécessité d’inclure ;
– l’analyse de l’activité de travail pour, le cas échéant, l’adapter à des fins pédagogiques ;
– la mise en place de phases réflexives, distinctes des mises en situation de travail et destinées à utiliser à des fins pédagogiques les enseignements tirés de la situation de travail, qui permettent d’observer et d’analyser les écarts entre les attendus, les réalisations et les acquis de chaque mise en situation afin de consolider et d’expliciter les apprentissages ;
– des évaluations spécifiques des acquis de la formation qui jalonnent ou concluent l’action.
– et la désignation préalable d’un formateur, pouvant exercer une fonction tutorale.
C’est sur ce dernier point que nous souhaitons apporter un regard critique.
L’Action de Formation en Situation de Travail repose sur deux prestations successives et complémentaires.
Ce consultant-formateur doit être capable d’être à l’écoute des besoins exprimés par le chef d’entreprise (ou son représentant selon la taille de l’entreprise), de s’assurer de la fiabilité économique[1] et pédagogique de la mise en place de l’AFEST et enfin, d’être force de proposition sur le registre des nouvelles compétences visées. Il/elle doit aussi construire un parcours de formation multimodale prenant en compte les ressources humaines, techniques et pédagogiques mobilisables et intégrant les contraintes et les opportunités liées au lieu et aux conditions de travail. Ce sont les conditions pour installer efficacement l’AFEST sur le poste en vue de la meilleure réalisation progressive possible de la tache ou les taches concernées. Dans une logique de didactique professionnelle, et par anticipation à l’arrivée l’apprenant, au final, un parcours individualisé est finalisé.
Le-la formateur-trice, désigné-e préalablement désigné, dixit le décret, doit donc être en mesure d’exercer une fonction tutorale (approche relativement classique), intégrant en particulier la conduite de séances réflexives (approche originale), hors séances des temps de situation de travail et hors séances d’évaluation, par ailleurs obligatoires en début et en fin de parcours. Si le parcours AFEST est forcément individualisé, l’accompagnement personnalisé[2] en est sa clef de voute, avec une conduite tutorale enrichie d’une dynamique réflexive basée sur la bienveillance et la confiance. Dans le contexte impliquant de travail (lieu, outil, organisation, production, relation, règle, rite, horaire, territoire, odeur, bruit, bref ce qui fait l’ambiance de travail), il s’agit d’aider la personne en formation, plutôt faiblement qualifiée, à se reconnaître durablement et pleinement «apprenante», avec aussi, un zoom sur ses habilités numériques confortées. Dans l’idéal, l’accompagnement de l’apprenant en modalité AFEST pourrait être assuré par un binôme : un professionnel lié à l’entreprise et le formateur lié à un organisme de formation de proximité.
Pour assurer cet accompagnement, le décret AFEST ne mentionne pas un «tuteur» mais un formateur «pouvant exercer une fonction tutorale». De notre point de vue, ce paradoxe souligne le caractère original, exigeant et pluriel de la mise en place et la conduite d’une Action de Formation en Situation de Travail qui n’est pas une «formation sur le tas». Si le formateur AFEST accompagnant l’apprenant peut être un formateur, (y compris de CFA[3]), un tuteur, un référent métier ou un collègue expert du domaine, il doit réglementairement prendre en compte la spécificité de cette modalité. Cela veut dire :
Tous ces éléments, et d’autres, nous conduisent à penser que le formateur AFEST est un professionnel qui maîtrise plusieurs fondamentaux pédagogiques dont les bases de la didactique professionnelle. Dans les grandes entreprises qui disposent d’un service formation, la mobilisation d’un formateur interne semble une piste fertile. Cependant, pour ne pas dénaturer la relation d’aide au cœur des interactions apprenant-appreneur, il ne semble pas opportun de recourir à un hiérarchique pour être formateur AFEST : difficile pour le manager de prendre une casquette «accompagnateur AFEST» alors qu’il a, par ailleurs réglementairement, une responsabilité d’évaluateur.
Le parcours AFEST repose sur la liberté de l’apprenant d’exercer son droit à l’essai, à l‘erreur, au questionnement et à la critique. En revanche, pour les PME-PMI, cible première de cette innovation, si la première prestation d’établissement du parcours AFEST se fait étroitement avec la direction de l’entreprise (référent AFEST) en prenant en compte «l’écosystème compétences» de son territoire, le recours à un formateur externe, de proximité territoriale, nous apparait comme incontournable. Le recours à un-e formateur-trice externe est non seulement légal, mais aussi, judicieux pour des entreprises de petites tailles, à la seule condition de connaître le métier et les spécificités de l’organisation du travail.
Contrairement à des informations ambiguës présentes sur le web, aujourd’hui, aucune obligation de certification pour les formateurs-trices n’est obligatoire. Au regard des enjeux quantitatifs sur tous les territoires PME-PMI et grandes entreprises, plus le champ de l’alternance, l’obligation d’une certification aurait créé un frein.
Cela aurait été contraire à la volonté des partenaires sociaux et de l’état de favoriser, dès maintenant, l’innovation pédagogique sous toutes ses formes dont la modalité AFEST. Cependant, le recours à un formateur externe, appartenant donc à un organisme de formation, s’appuiera, à partir de janvier 2021, sur l’obtention d’une certification qualité[5] au plan national de celui-ci. Cette certification sera obligatoire pour tous les OPAC (Organismes Prestataires d’Actions concourant au développement des Compétences) pour recevoir des fonds publics ou des fonds mutualisés. En revanche, un organisme de formation travaillant exclusivement pour des entreprises pourra se dispenser de cette démarche.
Cela veut dire aussi que le choix d’un formateur interne, pour accompagner un parcours AFEST, ne sera pas soumis à cette obligation. Cela crée une différence de fait, qui peut surprendre, entre un formateur externe dont l’OF est soumis à des obligations légales de qualité et un formateur interne dont l’entreprise aujourd’hui n’est soumise à aucune obligation sur ce champ.
Le décret N°2018-1341, daté de décembre 2018, laisse les entreprises et opérateurs AFEST libre de choisir un-e formateur-trice interne ou un-e formateur-trice externe. Pour mieux répondre à cet enjeu, plusieurs offres de formation de formateurs[6], multimodale ou non, certifiante ou non, sont proposées.
Jean Vanderspelden – membre du FFFOD
jean.vanderspelden@free.fr - www.iapprendre.fr @jeanvds
1ère Partie
[3] Malgré l’imprécision de certains textes réglementaires et dans le prolongement de l’esprit de la réforme visant à favoriser l’innovation pédagogique dans les champs de la formation continue et de l’alternance, la modalité AFEST peut s’appliquer sur des dispositifs d’apprentissage pilotés par des CFA, de notre point de vue.
[4] «Blended-learning», de manière surprenante de notre point de vue, dans le Référentiel National Qualité (RNQ) porté par ministère du travail de la république française.
[5] Lire article du Centre Inffo sur la mise en place de la nouvelle certification qualité : https://www.centre-inffo.fr/site-centre-inffo/actualites-centre-inffo/le-quotidien-de-la-formation/articles-2019/le-ministere-du-travail-publie-un-guide-de-lecture-sur-la-nouvelle-certification-qualite Guide du ministère téléchargeable via : https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/guide_referentiel_qualite_v3-22-07-19.pdf
[6] Se professionnaliser pour conduire des actions de type AFEST :
Offre AFEST C-Campus avec un parcours certifiant
http://formationccampus.fr/index.php/afest01/
Offre AFEST Qualif.fr & Evacert avec un parcours séquencé de formation multimodale (présence & distance)
https://qualif.fr/shownews/25 & en 1er page du site www.iapprendre.fr
Offre AFEST Demos entièrement en présentiel
https://www.demos.fr/devenez-formateur-et-tuteur-afest
Offre AFEST Cegos entièrement en présentiel
https://www.cegos.fr/formations/formation/afest-reussir-la-formation-en-situation-de-travail-2019
Offre AFEST LNF entièrement en E-Learning
https://www.lesnouvellesformations.com/maitriser-l-afest
Offre AFEST Le Patio entièrement en présentiel
2ème Partie
[1] Expérimentation AFEST : Action de Formation En Situation de Travail - Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), Comité interprofessionnel pour l'emploi et la formation (Copanef), Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (Cnefop), Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) Lyon : ANACT, juillet 2018, 282 p. https://www.fpspp.org/wp-content/uploads/2018/07/Rapport-Final-AFEST.pdf - Synthèse : https://www.fpspp.org/wp-content/uploads/2018/07/Synthe%CC%80se-du-rapport-AFEST.pdf
[2] Voir article : «Innovation pédagogique libérée !» http://learning-sphere.com/fr/innovation-pedagogique-liberee/ Cet article a été publié en novembre 2018 initialement sur la plate-forme européenne EPALE https://ec.europa.eu/epale/fr puis sur les sites du FFFOD www.fffod.fr et de Learning Sphere
[3] Décret 2018-1330 relatif aux «Actions de formation et aux bilans de compétences» & décret 2018-1341 relatif aux «Actions de formation et aux modalités de conventionnement des actions de développement des compétences». Voir http://www.fffod.org/s-informer/article/les-decrets-qui-interessent-les-acteurs-de-la-foad
[4] Voir dossier documentaire (33 pages) réalisé par le Centre Inffo en Juillet 2019 - https://www.ressources-de-la-formation.fr/index.php?lvl=notice_display&id=70269
[5] Web-conf en replay : Juin 2019 : FFFOD http://www.fffod.org/ressources/article/afest-multimodalite - Juin 2019 : CEGOS https://www.cegos.fr/solutions/formation-continue/formation-sur-mesure/sur-mesure-formation/formation-en-situation-de-travail-afest#webinar - Mars 2019 : DEMOS https://www.youtube.com/watch?v=wiJpqBC-Yfc
[6] Série de vidéos AFEST en ligne : «Playlist AFEST» de la Chaîne Youtube de Jean Vanderspelden : https://www.youtube.com/playlist?list=PLb8HfZjMArm81AcOVjrDWPEI7uMtJH3yp