Innover en formation, après le décret qualité : l'évaluation de la formation (suite)

Le décret qualité (30/06/2015) et ses nombreuses interprétations, dans le référentiel des financeurs paritaires ou dans celui des certifications et labels du CNEFOP, sont très majoritairement centrés sur le prestataire de formation (en tant que structure juridique ou organisation), pas assez sur le formateur et à peine sur l’apprenant. Un prestataire ou un formateur ne peuvent développer les compétences d’un apprenant contre son gré. Comme la qualité d'une formation ne peut être définie par la satisfaction du client… prescripteur. Aujourd’hui, si le prestataire est en capacité de garantir les meilleures conditions d’organisation d’une formation (gestion administrative, accueil de l’apprenant, moyens pédagogiques…), chacun sait que cette contribution est nécessaire mais insuffisante pour atteindre la qualité d’une formation. Il en est de même avec le formateur qui, si expert ou bon pédagogue soit-il, ne peut garantir les acquis qui produiront des compétences. La qualité d’une formation est intrinsèquement liée à l’apprenant qui doit donc en être acteur s'il y participe pour développer ses compétences et non en réponse à une injonction de se former ou à une complaisante prescription managériale. Revoir le processus de formation Dans l’écosystème de notre expérimentation, le prestataire, le formateur et surtout l’apprenant sont engagés dans une démarche de développement des compétences en situation de travail. Mais à l’issue de la séance pédagogique, présentielle ou à distance, l’apprenant doit avancer en toute autonomie. Il est invité à confronter les apports de la formation à sa réalité opérationnelle avec toutes les contraintes qu’elle peut intégrer. La formation ne s’arrête ainsi plus à l’évaluation de la satisfaction mais se poursuit jusqu’à l’identification et l’obtention des compétences visées. L’apprenant devient acteur du développement de ses compétences en mobilisant différentes ressources, internes et externes : les apports de la formation, sa capacité d’analyse de sa situation de travail, son réseau professionnel… Dans notre démarche, l’évaluation de la qualité d’une formation associe l’organisme de formation, le formateur et l’apprenant. Il n’intègre pas la hiérarchie (apprenant salarié) ou le prescripteur de la formation (apprenant demandeur d’emploi) dont peut difficilement, en dépit de sa pertinence, préjuger d’une mobilisation systématique et spontanée. Dans ces conditions et sous certaines modalités, il deviendrait possible de traduire les apports d’une formation en compétences développées en situation de travail avant d’être attestées par l’organisme de formation ou le formateur. Les points de vigilance - Avant la formation : s’il n’en est pas à l’initiative, il convient de sensibiliser l’apprenant avec la réalité des situations de travail qui répondent à ses besoins et dans lesquelles il va appliquer les apports de sa formation. S’il est à l’initiative d’une formation qui ne serait pas « sur-mesure », il est essentiel de recueillir ses attentes précises et le contexte dans lesquelles elles sont exprimées. o Trop souvent, la formation est prescrite pour des salariés par des encadrants/services RH, ou pour des chômeurs par des organismes du champ de l’emploi. En entreprise ou en situation de recherche d’emploi, la part des apports d’une formation transférée en situation de travail est minime. Ce qui représente un rapport « Coût de la formation (financier et temps passé) et efficience professionnelle » rarement optimisé, en dehors certes de la satisfaction générale de l’apprenant, des connaissances et réseaux susceptibles d’être apportés par celle-ci. - Pendant la formation : l’apprenant doit identifier les objectifs et apports visés par la formation au regard des conditions et modalités de son application. Dès son entrée en formation, il doit donc déjà se projeter sur les situations dans lesquelles ses compétences seront potentiellement mobilisées. o En dépit des qualités d’animation de l’intervenant, ce dernier reste contraint par des objectifs et un programme, face à des groupes souvent hétérogènes (entreprises, fonctions, expériences, attentes, …) composés d’apprenants confrontés à des situations de travail, toutes différentes, à court ou moyen terme. L'intervenant doit donc transmettre, qu'elle que soit le domaine de la formation, les clés d'analyse d'une situation de travail en général, et en particulier pour que l'apprenant se prépare en séance avant une application réelle en toute autonomie (ou avec sa hiérarchie). - Après la formation : pour développer ses compétences, l’apprenant doit donc appliquer en situation ce que lui a apporté la formation et pas uniquement ce qui lui aura plu dans celle-ci. Pour « être capable de… », il devra préalablement identifier les situations de travail dans lesquelles il va appliquer tout ou partie des apports de la formation. o Pour les salariés, les formations sont souvent prescrites, mais paradoxalement, leur application post formation n’est pas systématique. Basiquement, il serait intéressant d’intégrer un indicateur de transfert en situation de travail dans l’évaluation du retour sur investissement. Il n’est pas rare que le travail réel ou le contexte organisationnel constituent des freins rédhibitoires à une application optimale de la formation alors que même celle-ci a été prescrite et validée lors de l’élaboration du plan de formation. A l'apprenant d'être en veille, d'observer pour ensuite appliquer, même partiellement. A lui ensuite de restituer auprès du prestataire dans un support dédié, mis à sa disposition, qui le guidera dans sa démarche d'application et de restitution. Etre acteur du développement de ses compétences c’est aussi se saisir de toute opportunité en situation de travail, malgré des conditions d’application qui ne sont pas toujours optimales.